Tester les produits pour les documenter

Un conte chinois narre comment des aveugles se sont retrouvés confrontés à un éléphant. Aucun d’entre eux, et pour cause, n’ayant une perception globale de l’animal, chacun en eut une image différente : celui qui en tenait une patte le prenait pour un arbre, celui qui en étreignait la trompe le confondait avec un serpent, celui qui avait empoigné une défense l’identifiait à une lance, et celui qui s’agrippait à une de ses oreilles croyait qu’il s’agissait d’un éventail.

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Conte des aveugles et de l’éléphant

Le rédacteur technique qui demande aux différents intervenants de l’entreprise à quoi sert le produit dont il doit créer la documentation et comment il fonctionne se retrouve comme celui qui demande aux aveugles à quoi ressemble un éléphant : pour la R&D, il s’agit de code élégamment rédigé, pour le marketing, d’une offre à positionner face à la concurrence sur son marché, pour le support technique, d’un exécutable dont il faut corriger les bugs, etc.

Pour avoir une vision réaliste de l’objet qu’il est censé décrire, le rédacteur technique doit donc l’appréhender par lui-même et se faire sa propre opinion, qu’il pourra ensuite confronter à celle des autres acteurs de l’entreprise. Le rédacteur technique est un pragmatique qui s’intéresse à la pratique, non à la théorie. S’il ne consulte que les développeurs, par exemple, il aura peu de chance de pouvoir créer une documentation satisfaisante pour l’utilisateur :

  • d’une part, les développeurs ont souvent une vision idéaliste du fonctionnement de leur produit, différente du comportement de ce dernier en conditions réelles d’utilisation,
  • d’autre part, une déperdition d’information se produit nécessairement entre :
    • ce que le développeur sait,
    • ce que le développeur exprime,
    • ce que le rédacteur technique comprend,
    • ce que le rédacteur technique rédige,
    • ce que l’utilisateur comprend.

Si le rédacteur technique teste réellement le comportement du produit dans des conditions aussi proches que possible de celles rencontrées par l’utilisateur, les trois premières causes de déperdition d’information sont quasiment inexistantes. Pour réduire les deux dernières, il ne lui reste plus qu’à filtrer, organiser et exprimer l’information qu’il a recueillie de manière adaptée au média qui la véhiculera et aux connaissances techniques de son destinataire.

Dans les faits, une telle demande peut sembler de prime abord incongrue en interne et se heurter à la lourdeur de la mise en place d’une plateforme de test. Ce n’est généralement qu’après les premiers retours clients ou les tests produits dans la presse que les différents interlocuteurs comprennent pleinement l’apport de cette démarche. C’est souvent seulement à partir de ce moment là que la rédaction technique gagne ses lettres de noblesse. Et que la documentation technique n’est plus seulement vue comme un mal nécessaire, mais comme une véritable valeur ajoutée.